France”‰: le pays o͹ la mafia n’existe pas

Disons-le clairement, l’attitude hypocrite de l’Europe envers un phénomène qui touche même les pays outre Atlantique ne diverge pas de celle des politiques et des journalistes
qui, dans les années 60, niaient l’existence de la mafia en Sicile.

Les Mafias, non seulement la sicilienne « Cosa nostra », sont des pieuvres qui bougent leurs tentacules partout et se fondent dans l’environnement qui les entoure en profitant des carences législatives, des connivences et du manque d’expérience de ceux qui devraient les combattre.

Comme un virus, elles produisent les anticorps là ou il y a contagion, seulement à la différence des virus, celle des mafias est une contagion consciente. Ceci explique pourquoi les lieux où la mafia est née ont aussi donné naissance à tant d’hommes qui l’ont combattue.

De Falcone à Borsellino, des juges antimafia tués à Palerme au début des années 90 jusqu’aux nombreuses victimes appartenant aux forces de l’ordre, à la magistrature, au monde du journalisme connaissant trop bien la mafia.

Imaginer que la mafia est faite de casquette et de fusil ou qu’elle concerne seulement le Sud de l’Italie est une erreur qui favorise le développement de ce triste phénomène trop souvent ignoré par les classes dirigeantes et l’opinion publique.
En parlant de criminalité organisée, on ne peut pas oublier de citer l’économie et les mafias transnationales qui agissent au delà des barrières de chaque état. Elles ne connaissent pas les frontières. La pieuvre adopte à chaque fois une stratégie de mimétisme, elle infiltre les économies locales, elle agit selon les possibilités qui lui sont accordées, elle occupe tous les espaces laissés libres par les institutions.

Les clans ne connaissent pas de crise. Ils sont ignorés jusqu’à ce que des faits sanglants mettent en lumière auprès de l‘opinion publique le visage d’un monstre qui est resté caché pendant des années, voire des décennies dans notre maison.

L’Allemagne, colonisée par les mafias italiennes depuis l’après-guerre, a pris acte de l’existence de la « ndrangheta » (la mafia calabraise) seulement après la tuerie de Duisburg de 2007.

Deux ans après, le Bundestag a approuvé une loi qui reconnait la légitimité de la confiscation des biens et des capitaux mafieux sur demande d’une autre nation.

Avant, tout le monde savait et tout le monde faisait semblant de ne pas savoir.
Au cours des dernières décennies, le trafic de stupéfiants le plu lucratif était celui de l’héroïne, permettant l’enrichissement des familles siciliennes au Canada, en créant une holding qui a dominé les marchés de l’Amérique latine au Moyen Orient, au Canada, en Europe… à tel point que la Drug Enforcement Agency américaine, à la fin des années 90, a estimé que la fortune d’un seul membre, Pasquale Cuntrera, s’élevait à environ cent millions de dollars.

FRANCE : ICI « LA MAFIA N’EXISTE PAS »

Sans remonter au début du 20e siècle, quand les membres de la criminalité organisée ont choisi la « Francia » pour s’y installer, étant obligés de fuir l’Italie parce que poursuivis par la loi ou par crainte de vendettas internes aux familles de la mafia, essayons de comprendre quelle est la situation actuelle en partant de trois grandes organisations italiennes et de leur présence sur le territoire français.

Cosa Nostra (Sicile), Ndrangheta (Calabre) et Camorra (Campagne) : Autrefois la patrie du blanchiment d’argent était la Suisse qui, à travers ses banques, « nettoyait » l’argent sale des familles de mafia qui s’étaient installées dans différents pays.
Prenons l’exemple de la Sesta Famiglia – la sixième famille – canadienne, le clan Rizzuto, en relation avec le clan Caruana-Cuntrera ; Giuseppe Caruana au Brésil ; Paolo Cuntrera au Venezuela ; Alfonso Caruana en Angleterre ; Pasquale Caruana en Suisse.

Le clan Caruana-Cuntrera puisait sa force dans les mariages entre membres d’une même fratrie. Cuffaro, Pizzuto, Vella, Caruana et Cuntrera sont une même famille de sang qui voit, depuis presque un siècle, ses descendants se marier entre cousins et cousines. Cette union familiale de sang a permis que l’union de la « famille » ne soit jamais remise en cause par des guerres ou de possibles repentances. Un clan puissant grâce également aux bonnes relations entretenues avec les « Cinq familles » newyorkaises de la mafia.

Depuis le début du 20e siècle jusqu’aux années 80, les principales activités criminelles des organisations françaises étaient liées au monde de la prostitution, en particulier dans la zone de Paris. Tout aussi important était le produit des hold-up et, par la suite, du trafic de drogue.

Du trafic de drogue avec des organisations actives en France, on a des informations depuis le temps de Alberto Agueci, fils d’immigrés siciliens au Canada, dont le nom était lié à la French Connection, qui des années 50 aux années 70, concernait le trafic de stupéfiants entre la France et les USA. Agueci était en contact avec d’importants boss de la mafia tels que John « Johnny Pops » Papalia qui, à son tour, était lié aux Cotrone de Cotroni de Montréal et aux familles newyorkaises Bonanno et Genovese.

GRANDS CONSOMMATEURS DE COCAÏNE

Plus récemment, à ce genre de forme traditionnelle de criminalité organisée, se sont ajoutés les représentants de la criminalité de banlieue, pour la plupart d’origine maghrébine ou de régions africaines touchées par d’importants flux migratoires vers l’Europe. Toutes les organisations criminelles, bien qu’avec des différences, sont intéressées au marché de la cocaïne, géré au niveau global par la « Ndrangheta ». La « Ndrangheta », organisée en 155 familles de sang, structurées sur cinq continents, a pris le contrôle global du commerce de la cocaïne.

Selon des études menées par le CNRS il y a quelques années, la consommation de cocaïne en France était supérieure à celle moyennement consommée dans des villes telles qu’Amsterdam. Selon les chiffres communiqués, l’usage moyen de cocaïne par personne chez les habitants de Paris faisait obtenir à la capitale française le triste record de la plus grande consommation de drogue jamais relevé dans d’autres villes européennes en utilisant les mêmes méthodes de recherche.

Toujours selon les chiffres, on découvre d’autres aspects qui démontrent que les français sont les plus grands consommateurs de cannabis et que cette consommation concerne tout particulièrement les villes du Sud par lesquelles passent les drogues en provenance d’autres pays.

LA MAFIA ITALIENNE A ETENDU
SES TENTACULES SUR UN AUTRE
BUSINESS TRES RENTABLE :
LES « MAFIAS
DE L’AGROALIMENTAIRE » !

C’est justement dans ces larges zones qu’on peut remarquer la présence des mafias italiennes à partir des années 70, quand les mafieux ont commencé à investir la Côte d’Azur, jusqu’aux années 90 avec un casino près de Nice géré par des membres de la « ndrangheta » (clan De Stefano). Aujourd’hui, la présence de la camorra sur la riviera française est indéniable tout comme l’existence d’une « centrale » bien structurée de la « ndrangheta » qui, depuis la région de Marseille, coordonne et gère les grands trafics entre la France et l’Italie.

Par rapport à celles du passé, les mafias actuelles, plutôt que de chercher de nouvelles sources de gains illicites, ont la nécessité de recycler l’immense quantité d’argent qu’elle gèrent, en investissant dans l’économie locale grâce au contact noué entre deux économies parallèles au sein desquelles est prépondérant le rôle des éminences grises formées de bureaucrates, professionnels et politiques qui font fonction de facilitateurs dans le blanchiment d’argent.

DES PARRAINS A L’AGROALIMENTAIRE

La confiscation de biens et de capitaux mafieux en Italie a poussé les parrains à chercher de nouveaux paradis où pouvoir investir et recycler les capitaux. À la différence de la Suisse où le blanchiment d’argent passait par les banques, la France, en l’absence d’une loi antimafia, se prête bien aux opérations de recyclage à travers les investissements immobiliers, les grands travaux publics, les activités commerciales. En France il n’existe aucune loi interdisant à une société de travailler sans une « certification antimafia » avec le résultat paradoxal qu’alors qu’en Italie une entreprise seulement parce qu’elle est signalée comme « proche » de milieux mafieux se voit refuser le précieux document et ne peut donc plus travailler dans son domaine d’activité, les mêmes personnages ou pire encore, d’autres individus encore plus impliqués en tant que prête-noms de boss mafieux, peuvent exercer en France leur activité presque en toute impunité. Pourtant, comme nous l’avons constaté, les clans mafieux sont présents en France depuis des décennies.

Même Bernardo Provenzano, boss de premier plan de Cosa Nostra, depuis 1993 chef des chefs de la mafia sicilienne jusqu’à son arrestation en 2006, durant sa cavale d’une durée 43 ans, est venu en 2003 à Marseille afin de se faire opérer de la prostate.

À cette opération est aussi lié le décès de Attilio Manca, célèbre urologue de 34 ans, trouvé mort le 12 février 2004, à cause d’une overdose d’héroïne, alcool et anxiolytiques. Selon la famille du jeune médecin, dont le décès fut présenté comme un suicide, Attilio Manca aurait pu être obligé d’opérer le boss âgé, puis réduit au silence.

Il est inimaginable qu’un parrain de la mafia tel que Provenzano soit allé dans un autre pays pour se faire opérer sous un faux nom sans disposer sur place d’un réseau de complices prenant soin de lui en garantissant sa sécurité et sa cavale.

Provenzano n’a pas été le seul à lier son nom à la ville française. Le 25 juin 2010, la gendarmerie française a arrêté à Marseille Giuseppe Falsone, inscrit dans la liste du gouvernement italien des 30 mafieux en cavale les plus dangereux et qui avait déjà été condamné à la prison à vie. Si Provenzano fut obligé de se déplacer à Marseille pour cause de maladie, on ne peut pas en dire autant de Falsone. Pourquoi a-t-il choisi la France pendant sa cavale ? Quelles affaires liaient son monde à la ville française ? Qui a couvert sa cavale ? Toutes questions auxquelles il faut donner des réponses. Entre temps, la mafia italienne a étendu ses tentacules sur un autre business très rentable : les « mafias de l’agroalimentaire » !

Avec un volume d’affaires qui rapporte aux clans 16 milliards d’euros de bénéfices, le secteur intéresse les membres de Cosa Nostra et de la « Ndrangheta » qui cherchent à avoir le monopole de cette partie de l’économie au grand dam non seulement des entrepreneurs honnêtes mais aussi des consommateurs qui voient gravement compromise la qualité et la sécurité des produits.

De la production à la conservation des produits agroalimentaires, de l’exportation au commerce de détail à travers les supermarchés et les restaurants, la pieuvre a pris le contrôle de toute la filière.

LE VIDE REGLEMENTAIRE

Le manque de réglementation en matière d’origine, ainsi que le défaut d’application des règles existantes, la mainmise sur les matières au prix le plus bas, font que les médiations passent par les groupes mafieux qui profitent de la main d’œuvre mal payée dans les pays de production pour exporter des produits qui deviennent concurrentiels même par rapport aux producteurs locaux.

Si la crise économique qui a conduit les familles à réduire leur consommation, ces aspects qui vont contre le « Made in Italy » et les petites et moyennes entreprises françaises, risquent de faire mettre la clef sous la porte aux entreprises honnêtes en favorisant des individus sans scrupules.

L’intérêt vers ce secteur pourrait expliquer la présence de boss de premier plan dans certaines villes françaises. D’ailleurs, le fait que la distribution alimentaire a été utilisée pour le recyclage puisqu’elle permet le passage de gros montants d’argent par des grossistes ou les grandes structures de vente au détail, n’est pas un mystère.

De « Pizza Connection », la grande enquête judiciaire sur le trafic de drogue menée par le Federal Bureau of Investigation aux USA, quand on avait découvert que les pizzerias et les restaurants étaient utilisés comme « terminus » du trafic de l’héroïne, jusqu’à Madrid en 2008, avec Vincenzo Scarpa, signalé comme figure de la Camorra et manager d’une société d’import-export alimentaire, le secteur s’est toujours révélé être une très bonne « blanchisserie » pour l’argent sale. Il suffit de penser que même l’Ambassade italienne en Espagne était dans la liste des bons clients de Scarpa quand il s’agissait d’organiser des banquets.

Sans des directives européennes précises et des règles nationales visant à faciliter l’action de prévention et de répression du phénomène, la France ne pourra pas faire grand-chose pour empêcher l’infiltration mafieuse dans le monde de l’économie et, à court terme, dans celui des institutions et de la politique.

Mais ici la mafia n’existe pas !

GIAN JOSEPH MORICI

Dogan Presse Agence


:

Poste similare


Photos de l'article

Video de l'article