Turquie : le ministère public se déplace Í l’hÍ´pital de Sincan
Une délégation s’est rendue à l’hôpital carcéral de Sincan à Ankara pour recevoir la déposition de Nuriye Gülmen dont le procès aura lieu le 20 octobre au tribunal de la prison.
Nuriye Gülmen, enseignante turque en grève de la faim depuis 225 jours pour récupérer son emploi perdu par décret-loi en vertu de l’état d’urgence, a fait l’objet de toutes plusieurs visites avant son procès qui aura lieu vendredi 20 octobre au tribunal de la prison de Sincan à Ankara.
Le 11 octobre, Veli AÄŸbaba, vice-président du CHP (Parti républicain du peuple), accompagné de deux députés d’Ankara, Necati Yılmaz (membre du Parlement et de la Commission de la 26 septembre dernier se sont rendus aux services des soins intensifs de l’hôpital de Numune où elle avait été transférée. Lors de la conférence de presse qui a suivi, Veli AÄŸbaba a déclaré que Nuriye : « a perdu deux fois plus de poids que depuis la dernière fois où je l’avais vu ». Après avoir fait un état des lieux de son état de santé ainsi que de ses conditions de détention dans l’hôpital, il a exhorté le gouvernement de l’AKP à réagir et à accepter les revendications de Nuriye Gülmen.
Le 13 octobre, Nuryie a été transférée dans l’hôpital carcéral de la prison de Sincan où elle était avant d’être déplacée à l’hôpital de Numune. Le 16 octobre à 10 heures, le procureur et trois avocats sont allés la rencontrer. En effet, celle-ci n’a assisté à aucune des deux premières audiences de son procès qu’elle partage avec Semih Özakça, également en grève de la faim depuis 225 jours et en détention pour les mêmes chefs d’inculpation. Les deux enseignants avaient été maintenus en cellule le 14 septembre, date de leur première comparution par crainte qu’ils ne s’échappent. Semih a pu assurer sa défense le 28 septembre lors de la deuxième partie du procès mais Nuriye, pour de pseudo raisons d’urgence médicale, avait été transférée contre sa volonté aux services de soins intensifs de l’hôpital de Numune à Ankara. Or, le 14 septembre, la dix-neuvième chambre du tribunal d’instance d’Ankara avait ordonné à ce que les prisonniers soient amenés au palais de justice et, si cela ne leur était pas possible, de faire leurs dépositions où qu'ils se trouvent. Lorsque l'hôpital de Numune a déclaré que le soit-disant état critique dans lequel se trouvait l’enseignante ne lui permettait pas se déplacer devant la Cour, le Comité du tribunal s’est donc rendu à l'hôpital carcéral afin de prendre la déposition de celle-ci.
Nuriye Gülmen a refusé de faire une déclaration au procureur
Nuriye Gülmen, comme son collègue Semih, maintenue en détention provisoire en attendant la suite de leur procès, a déclaré : « Je ne ferai pas de déclaration de défense dans ces circonstances ». Selon Murat Yılmaz, l'un des avocats de Semih Özakça : « elle a perdu tellement de poids qu'elle n'a que la peau sur les os ». Il poursuit en indiquant que l’enseignante a précisé que les dépenses physiques et mentales déployées pour préparer sa défense lors de la première audience du 14 septembre n’avaient servi à rien.
Puis elle est revenue sur ses conditions de détention « déplorables » en précisant que depuis son transfert du service de soins intensifs de l’hôpital de Numune, elle avait été déplacée dans le campus de l’hôpital de Sincan mais quelle ignorait précisément où elle se trouvait. Elle a indiqué que la lumière de sa cellule, à commande extérieure, était allumée 24 heures sur 24, qu’elle n’avait pas accès à la cour de promenade et qu’en conséquence elle ne voyait jamais le soleil. Et parce que les prisonniers de l’hôpital carcéral sont détenus au sous-sol, elle ne voyait donc jamais la lumière du jour et n’avait plus de notion de jour et de nuit. De plus, elle a informé qu’entre le 25 septembre et le 12 octobre, elle n’avait eu personne pour s’occuper d’elle.
Elle a terminé ainsi : « compte tenu des conditions, le comité de la cour étant également responsable de ce que j’ai vécu, je ferai ma déclaration de défense lorsque je serai libérée et que les conditions seront correctes ». Elle a également précisé qu’elle pouvait se déplacer à l’audience pour témoigner.
Murat Yilmaz a ajouté que les déclarations de Nuriye n'auraient aucune répercussion sur l'audience qui aura lieu vendredi. Ses propos sont restés conformes à ce qu’elle avait déjà déclaré au juge des sanctions pénales, à savoir que sa grève de la faim intervenait uniquement dans le cadre de la perte de son emploi, non pour des raisons politiques extrêmes et elle a insisté sur le caractère injuste de sa démarche qui reste la seule solution à sa disposition pour revendiquer ses droits.
Béatrice Taupin
Dogan Presse Agence