Quels sont les critères pour accéder Í l’université en Europe ?
Notes au bac, épreuves, lettres de motivation et activités extrascolaires font partie des modes de sélection dans les universités européennes, alors que le gouvernement français vient d’annoncer une grande réforme de l’entrée à la fac.
Pour mettre fin à la pratique du tirage au sort à l’entrée des licences universitaires qui croulent sous les demandes, la ministre de l’enseignement supérieur, Frédérique Vidal, vient d’annoncer un nouveau système global d’admission. Les universités pourront désormais examiner certains critères (des notes de l’élève à sa motivation, en passant par ses activités extrascolaires) avant de répondre aux candidatures.
En Europe, l’enseignement supérieur français faisait jusqu’ici partie des exceptions, en maintenant grandes ouvertes les portes de ses universités, alors que son taux de bacheliers ne cesse d’augmenter. Tour d’horizon de la manière dont fonctionnent nos voisins européens.
Espagne : la note au bac et des épreuves d’accès
Pour accéder à l’université publique, l’Espagne a choisi la sélection. Selon les places disponibles dans les filières, les candidats sont acceptés en fonction d’une note globale (sur 10) mêlant leur résultat au baccalauréat (60 % de la note) et le score obtenu aux épreuves d’accès à l’université (la Selectividad, 40 % de la note).
Cet examen comporte des épreuves évaluant les compétences acquises au lycée, ainsi que des épreuves facultatives permettant d’obtenir des points supplémentaires pour accéder aux filières très demandées (médecine, droit, ingénierie, etc.). « Un minimum de 5 sur 10 est nécessaire pour entrer à l’université, et la note du dernier ayant été accepté, la “nota de corte”, est publiée chaque année à titre d’information », précise Francisco Obispo, du service éducation de l’ambassade d’Espagne en France.
Allemagne : les notes comme critère objectif
« La question de la sélection à l’entrée de l’université n’est même pas un sujet de discussion en Allemagne », résume Kilian Quenstedt, de l’Office allemand d’échanges universitaires. Outre-Rhin, les universités des Länder sont en effet libres d’instaurer une sélection en première année « dès qu’il y a plus de candidatures que de places disponibles ». Face à l’afflux d’étudiants ces dernières années, presque la moitié des quelque 9 000 bachelors (équivalent de la licence) auraient aujourd’hui restreint leur accès.
En dehors des facultés de médecine qui ont leur propre procédure, un critère simple est utilisé : la moyenne générale obtenue à l’Abitur, le baccalauréat allemand. Les candidats sont acceptés en fonction de leur note jusqu’à épuisement des places. Celle obtenue par le dernier candidat accepté est rendue publique. Ce système pragmatique est facilité par le faible taux de jeunes obtenant l’Abitur : 55 % d’une génération, contre 80 % en France. Les autres ont été orientés, bien plus tôt (entre 10 et 12 ans), vers des filières professionnelles.
Royaume-Uni : une sélection assumée
Les universités du Royaume-Uni sont libres de sélectionner les étudiants selon les critères de leur choix : dossier scolaire (notes obtenues au A-level, équivalent du baccalauréat, mais aussi au GCSE, équivalent du brevet des collèges), lettres de motivation, lettres de recommandation d’enseignants, parfois entretiens ou examens d’entrée. L’étudiant doit aussi détailler ses activités extrascolaires (sport, engagement associatif, etc.).
En échange de cette liberté sur les critères, « l’État demande aux universités de faire preuve de transparence », commente Annabelle Allouch, sociologue auteure de La Société du concours (Seuil, 128 pages, 11,80 euros). Cette transparence passe notamment par une centralisation des candidatures sur la plate-forme UCAS (Universities and Colleges Admissions Service), sorte d’APB français.
Belgique : un accès libre sur fond d’échecs en première année
Comme en France, l’accès à l’université belge est libre, sous réserve d’avoir obtenu le CESS, équivalent du bac. Seules les formations de santé (médecine, soins dentaires, etc.) font aujourd’hui passer un examen d’entrée. Le débat sur l’accès à l’université revient régulièrement sur le devant de la scène, et les récentes discussions françaises sur le sujet sont, dans ce cadre, observées attentivement. En cause, les taux d’échecs importants en première année de licence en Belgique, de l’ordre de 65 % (contre 60 % en France).
Le 25 octobre, un collège d’experts, chargé de repenser l’enseignement supérieur belge d’ici à 2030, proposait à nouveau d’instaurer un « diagnostic » obligatoire des connaissances et des compétences des candidats à l’enseignement supérieur. Celui-ci, qui serait seulement indicatif, est déjà rejeté par certains syndicats étudiants qui y voient un premier pas vers une forme de sélection.
Italie : des tests d’aptitude et une remise à niveau
L’accès à l’université italienne publique est libre, l’obtention du baccalauréat (la maturità) étant suffisant pour accéder à beaucoup de filières. Seuls les cursus de médecine, d’ingénierie, d’art ou encore d’architecture se sont fixé un nombre maximal d’étudiants avec des examens d’entrée. Mais « des débats sans fin existent depuis les années 1970 autour de la mise en place d’une sélection à l’université », commente Andrea Carteny, professeur d’histoire et directeur de la mobilité internationale à l’université La Sapienza de Rome.
Une loi de 2010 autorise cependant les universités à expérimenter « des tests d’orientation et de compétences dans toutes les filières », explique-t-il. L’étudiant n’ayant pas les prérequis nécessaires pour accéder à un cursus est laissé libre d’y entrer, mais doit auparavant suivre une remise à niveau.
Séverin Graveleau