Baiser forcé : Luis Rubiales de plus en plus isolé

Dans l’affaire déjà surnommée le « #metoo du football espagnol », la FIFA a décidé de sanctionner le président de la fédération de football espagnole, après son baiser forcé sur la joueuse Jenni Hermoso à l’issue de la finale de la Coupe du monde. Samedi soir, le sélectionneur de l’équipe féminine, Jorge Vilda, a fini par « regretter » un « comportement inapproprié ».

Combien de temps Luis Rubiales, le président de la Fédération royale espagnole de football (RFEF), va-t-il pouvoir s’accrocher à son poste ? Samedi 26 août, les six membres de l’encadrement de la sélection féminine espagnole de football ont annoncé avoir présenté leur démission, après le baiser forcé de Luis Rubiales sur la joueuse Jenni Hermoso, laissant le sélectionneur Jorge Vilda sans adjoints, contraint à prendre ses distances avec Rubiales.

Dans un communiqué publié sur les réseaux sociaux, les signataires, dont l’adjointe Vilda Montse Tomé, affirment « avoir pris la décision de présenter leur démission » à la RFEF et expriment « leur condamnation ferme et catégorique du comportement de Luis Rubiales à l’égard de Jennifer Hermoso ».

Avant elles, dans un communiqué à l’agence EFE, Luis de la Fuente, le sélectionneur de l’équipe masculine d’Espagne, avait condamné « sans réserve le comportement déplacé et inapproprié du président de la REF », espérant que « les organes compétents prendront les décisions qui s’imposent dans les plus brefs délais. »

Le sélectionneur de l’équipe féminine Jorge Vilda a finalement pris ses distances samedi soir avec le patron de la RFEF. « Je regrette que la victoire du football féminin ait été ternie par le comportement inapproprié que notre plus haut dirigeant jusqu’alors, Luis Rubiales, a montré et a lui-même reconnu », a-t-il déclaré dans un communiqué repris par plusieurs médias espagnols.

En début d’après-midi, la FIFA, qui avait déjà lancé une procédure disciplinaire à l’encontre de Luis Rubiales, a décidé de le suspendre provisoirement. « Nous avons décidé aujourd’hui de suspendre provisoirement M. Luis Rubiales de toute activité liée au football au niveau national et international », a déclaré l’instance dirigeante du football mondial dans un communiqué, ajoutant que la suspension durerait au moins quatre-vingt-dix jours, dans l’attente de l’avancée des procédures ouvertes contre l’Espagnol.

Le baiser forcé du président de la Fédération s’inscrit dans un contexte lourd au sein de la sélection espagnole. Des joueuses dénoncent depuis des mois les méthodes jugées « dictatoriales » du sélectionneur, Jorge Vilda, qui bénéficiait du soutien indéfectible de M. Rubiales. Le président de la fédération a par ailleurs été accusé d’avoir organisé des orgies avec l’argent de la RFEF en septembre 2022.

La fédération espagnole s’en prend à Jenni Hermoso

Dans la journée, la Fédération royale espagnole de football (RFEF) avait riposté en qualifiant de « mensonges » les accusations portées contre son président. « La RFEF et le président [Rubiales] vont prouver chaque mensonge publié par qui que ce soit au nom de la joueuse, ou, si c’est le cas, par la joueuse elle-même », a déclaré l’instance dans un communiqué publié dans la nuit de vendredi à samedi, alors que Jennifer Hermoso s’est dite « victime d’une agression » dans un communiqué.

« Je n’ai à aucun moment consenti à ce baiser [que Luis Rubiales] m’a donné et je n’ai en aucun cas cherché à m’approcher du président. Je ne tolère pas qu’on mette en doute ma parole et encore moins que l’on invente des propos que je n’ai pas dits », a assuré Mme Hermoso dans un communiqué publié sur ses réseaux sociaux, contredisant ainsi la défense de M. Rubiales. « Je me suis sentie vulnérable et victime d’une agression, d’un acte impulsif et sexiste, déplacé et sans aucun consentement de ma part », a insisté l’internationale espagnole.

Ses coéquipières ont annoncé qu’elles refuseraient de rejouer pour la sélection sous la direction actuelle de la fédération. « Après tout ce qui est arrivé lors de la remise des médailles du Mondial féminin, toutes les joueuses signataires du présent texte n’honoreront pas une prochaine convocation si les dirigeants actuels sont maintenus », ont écrit les vingt-trois championnes du monde dans un communiqué diffusé par le syndicat Futpro.

« Rubiales ne peut rester à son poste »

En Espagne, embrasser quelqu’un sans son consentement est considéré comme un délit qui relève de la loi sur les agressions sexuelles, et l’affaire pourrait donc aller en justice : Victor Francos, le président du conseil supérieur des sports (CSD), un organisme gouvernemental, a promis que celui-ci prendrait des mesures si la RFEF ne le faisait pas. Il a assuré qu’il porterait l’affaire devant le Tribunal administratif du sport (TAD), une juridiction espagnole.

L’initiative a été saluée par Irene Montero, ministre de l’égalité, qui écrit sur X (anciennement Twitter) : « Face [à l’impunité de M. Rubiales], le parquet et le CSD agissent pour protéger la joueuse, pour dire non au machisme et pour garantir le droit à la liberté sexuelle. »

Dans une interview à El Pais, le ministre espagnol des Sports, Miquel Iceta, déplore « un épisode qui nous a amené l’image d’une Espagne machiste », alors que le pays est souvent présenté comme en pointe en matière de luttes contre les violences faites aux femmes. Il s’en remet au TAD, assurant que si celui-ci « accepte la plainte du gouvernement, nous procéderons immédiatement à la suspension des fonctions de président de la fédération ».

De nombreux sportifs ibériques ont également pris fait et cause pour Jenni Hermoso comme les footballeuses Alexia Putellas et Aitana Bonmati, la légende du basket Pau Gasol ou l’ancien gardien du Real Madrid Iker Casillas. Samedi, plusieurs internationales de football leur ont emboîté le pas sur les réseaux sociaux, dont l’Américaine Megan Rapinoe, star du sport féminin et figure du militantisme. « Ils nient ce que nous avons vu de nos propres yeux et qualifient cela de vérité », a-t-elle écrit sur Instagram.

Quatre plaintes déposées

Par ailleurs, le parquet espagnol a rapporté à l’Agence France-Presse avoir reçu quatre plaintes à l’encontre de M. Rubiales, mais celles-ci n’ayant pas été déposées par les victimes elles-mêmes il y a un doute concernant leur recevabilité.

Le 21 août, M. Rubiales avait balayé la polémique, estimant que ceux qui le critiquaient étaient « des cons ». Quelques heures plus tard, il a présenté des excuses, expliquant qu’il s’agissait d’un geste « sans aucune mauvaise intention », en ajoutant : « Si des gens ont été blessés, je dois m’excuser, il n’y a rien d’autre à faire. »

Mais d’autres images sont venues aggraver le cas du président de la RFEF, notamment celles où on le voit, encore dimanche, sur le balcon d’honneur du stade, empoigner ses parties génitales pour célébrer la victoire de l’équipe, geste pour lequel il a demandé pardon.


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